Chaque printemps, au cœur des campagnes comme dans les jardins des villes, un étrange nuage
bourdonnant peut surgir soudainement. C’est le signe d’un phénomène aussi ancien que mystérieux :
l’essaimage. En tant qu’apiculteur en Dordogne, j’interviens régulièrement pour récupérer ces essaims
sauvages. Ce geste, à la fois simple et délicat, permet de préserver des colonies entières, mais aussi
d’éviter bien des désagréments. Voici ce qu’il faut savoir si vous êtes témoin d’un tel événement.
Pourquoi les abeilles essaiment elles ?
L’essaimage est avant tout un phénomène naturel. Il ne s’agit pas d’une fuite ou d’un problème dans la
ruche, mais d’un acte vital de renouvellement et de reproduction.
Quand une colonie devient trop populeuse ou que la ruche devient trop étroite, un signal collectif se déclenche.
La reine s’envole, accompagnée d’une partie des abeilles ouvrières et de quelques faux-bourdons.
Derrière elles, dans la ruche d’origine, une nouvelle reine est en préparation. Ce sont donc deux colonies
qui vont coexister à partir d’une seule, assurant ainsi la pérennité de l’espèce.
En général, cela se produit entre avril et juillet, aux beaux jours. Les abeilles, avant de partir, se gorgent
de miel pour avoir des réserves durant les premiers jours. Lorsqu’elles quittent la ruche, elles forment un
impressionnant nuage noir, qui finit par se poser en grappe sur un support proche – une branche, une
rambarde, un mur. Là, elles font une pause. Pendant ce temps, les éclaireuses partent en repérage pour
trouver un abri définitif : une cheminée, un arbre creux, un volet, un mur…
Abeilles, frelons, guêpes : comment faire la différence ?
Avant toute intervention, il est essentiel de s’assurer qu’il s’agit bien d’un essaim d’abeilles domestiques
(Apis mellifera) – et non d’un autre insecte.
Voici quelques repères visuels simples :
• Abeilles : corps trapu et velu, souvent brun doré. Calmes, elles volent de fleur en fleur.
• Frelons : plus gros, plus effilés, avec un vol bruyant. Leur couleur est plus intense.
• Guêpes : corps fin, lisse, noir et jaune vif. Plus nerveuses, souvent attirées par les boissons sucrées.
Astuce : Tapez « abeille ou frelon » sur Google Images pour comparer avec l’insecte observé.
En cas de doute, évitez toute manipulation.
Si ce ne sont pas des abeilles, mais des frelons ou des guêpes, mieux vaut contacter un désinsectiseur
professionnel. Ce n’est pas le même métier, ni les mêmes risques.
Vous découvrez un essaim ? Voici quoi faire.
Pas de panique. Un essaim est impressionnant, mais pas agressif. Les abeilles sont concentrées sur leur
mission : trouver un nouveau foyer. Leur priorité n’est pas de vous piquer, mais de protéger leur reine.
Voici les bons réflexes à adopter :
1. Restez calme et observez à distance.
Ne tentez pas d’agir seul(e), ne vaporisez pas d’insecticide. Ne criez pas. Observez, prenez une photo si
possible. Les abeilles sont généralement paisibles à ce stade.
2. Contactez un apiculteur local.
C’est la meilleure chose à faire. L’apiculteur saura si l’essaim peut être récupéré, et interviendra dans les
règles de l’art. Les pompiers, eux, n’interviennent que si l’essaim est dangereux (dans une école, un
hôpital…).
3. Transmettez un maximum d’informations.
Envoyez une photo à l’apiculteur. Précisez l’endroit : hauteur, accessibilité, support (branche, cheminée, volet, mur…).
Cela permet de prévoir l’intervention.
4. Agir rapidement.
Un essaim ne reste en pause que quelques heures, parfois un ou deux jours. Ensuite, il s’installe pour de
bon, construit ses rayons de cire et la reine commence à pondre. À ce stade, le récupérer devient bien plus
complexe.
5. Si l’intervention n’est pas possible.
Dans certains cas, on ne peut pas intervenir sans gros travaux. Il faut alors choisir : vivre avec, ou faire
détruire l’essaim (après avis d’un apiculteur).
Il est aussi parfois possible de « fermer » temporairement l’accès (dans une cheminée ou un mur, par
exemple), le temps de travaux ou de la venue d’un professionnel. Chaque cas est unique.
Une mission utile et respectueuse:
Récupérer un essaim, c’est bien plus qu’un service : c’est un geste pour la biodiversité. C’est donner à une
colonie une chance de vivre en sécurité, tout en évitant les conflits avec l’humain.
En Dordogne, ce genre d’intervention est courant au printemps.
Et chaque fois, cela reste un moment particulier : celui d’un envol, d’une fondation, d’un nouveau départ.
Je vous invite à lire la suite dans un prochain article : comment trouver un apiculteur disponible, quelles
sont les erreurs fréquentes à éviter, et pourquoi parfois… il vaut mieux ne rien faire.